Coup de coeur

Un monde à portée de main, Maylis de Kerangal, éditions Verticales

 

Après Réparer les vivants et deux textes courts, Maylis de Kerengal revient enfin au roman avec Un monde à portée de main, dans lequel on retrouve sa subtilité et son envoutement. Paula apprend à devenir peintre en décor, illusionniste des matières, marbres, bois, qu’elle reproduit dans leurs détails, leurs couleurs, leurs aspérités. Au fil de son apprentissage, son œil s’aiguise, son corps se plie à la discipline, tout comme sa vie qui semble se concentrer autour du vrai et du semblant et de leurs exigences, dont elle devient experte.  A travers le récit de cette adolescence qui sort de sa gangue pour se trouver dans le monde, Maylis de Kerengal offre un roman puissant, rythmé par des phrases amples comme des vagues qui charrient idées et émotions. Les personnages, Paula, Jonas, Kate, sont jeunes et beaux mais il garde un côté farouche et inapprivoisé.  C’est ce petit gout de sauvage et de liberté qui reste à la lecture de ce roman, comme si malgré les copies, les semblants, les fac-similés, les phrases de fiction, quelque chose de la vraie vie se maintenait, se communiquait puissante et indomptée.

 

Extrait : «Paula s’avance lentement vers les plaques de marbre, pose sa paume à plat sur la paroi, mais au lieu du froid glacial de la pierre, c’est le grain de la peinture qu’elle éprouve. Elle s’approche tout près, regarde : c’est bien une image. Étonnée, elle se tourne vers les boiseries et recommence, recule puis avance, touche, comme si elle jouait à faire disparaître puis à faire revenir l’illusion initiale, progresse le long du mur, de plus en plus troublée tandis qu’elle passe les colonnes de pierre, les arches sculptées, les chapiteaux et les moulures, les stucs, atteint la fenêtre, prête à se pencher au-dehors, certaine qu’un autre monde se tient là, juste derrière, à portée de main, et partout son tâtonnement lui renvoie de la peinture. Une fois parvenue devant la mésange arrêtée sur sa branche, elle s’immobilise, allonge le bras dans l’aube rose, glisse ses doigts entre les plumes de l’oiseau, et tend l’oreille dans le feuillage.»

 

Coup de coeur de Dorothée, médiathèque de La Bastide de Serou

 

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