Un gentleman à Moscou de Amor TOWLES

Parmi la rentrée littéraire d'automne, ce livre savoureux que Nathalie Crom, critique à Télérama a également beaucoup aimé ici

"C’est à un poème, « Où est-il à présent ? », paru en 1913 et auquel certains trouvèrent des échos séditieux, que le comte Rostov doit les étranges conditions de l’exil intérieur auquel le con­damne, une dizaine d’années plus tard, le Comité exceptionnel du Commissariat du peuple : membre de l’exécrée « classe des rentiers », mais aussi « héros de la cause pré-révolutionnaire » par la grâce de quelques vers, l’aristocrate se voit assigné à résidence à l’hôtel Metropol, le palace moscovite où déjà il résidait. Quittant la luxueuse suite 217, il emménage au dernier étage, dans un bout de grenier, avec deux fauteuils Voltaire, ses lampes de table en forme d’éléphant, la vaisselle en porcelaine de Limoges de sa grand-mère, un portrait de sa sœur, deux bouteilles de ­cognac et ses chers livres. Le voici donc reclus et décidé, tel Robinson échoué sur son île sans espoir d’en partir bientôt, à consacrer son énergie non aux ­lamentations ou à la soif de revanche, mais à « la gestion des détails pratiques ». Autrement dit : à continuer de vivre.

Sous les ors, dans les tentures épais­ses et couloirs feutrés du grand hôtel, sous les boiseries du bar Chaliapine ou du restaurant Le Piazza, sur le toit de l’édifice lorsque l’envie lui vient de con­templer la ville ou d’en humer l’atmosphère…, Alexandre Ilitch Rostov demeurera trente ans, et c’est de ce drôle de point de vue que le romancier Amor Towles (Les Règles du jeu) nous invite à observer l’histoire au long cours de l’Union soviétique, jusqu’aux années 1950. Un subtil mélange de fantaisie et d’insondable gravité nimbe ce roman, dont le charme piquant repose tant sur la précision de la reconstitution historique et la qualité des multiples seconds rôles que sur la personnalité de son fantasque personnage principal. Une sorte d’antihéros flegmatique, méditatif et hédoniste, intensément mélancolique, plus ironique et réfractaire qu’il y paraît — paré de vertus qui font de lui l’incarnation même de l’homme sans qualités."

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